Dans ce livre, Krugman fait un effort pédagogique salutaire pour s’attaquer aux théories « pop » du commerce international et leur cortège d'idées fausses : « compétitivité », concurrence entre pays, chômage, baisse des salaires, inégalités de revenus, balance commerciale etc. En excellent spécialiste du commerce international, il soutient que le protectionnisme est partout et toujours une mauvaise chose, motivée uniquement par des intérêts corporatistes et mesquins et non par « l’intérêt du pays ». Seule exception : dans certaines circonstances une hausse de la productivité dans un pays à bas salaires peut avoir un effet négatif sur certains salariés des pays riches (modèle de Lewis à trois produits). Mais c’est parce que cela va augmenter les salaires des pays pauvres et non le contraire ! En effet, la productivité augmentant, les salaires montent, et le prix de certains produits importés par les pays riches peuvent monter ce qui diminue les salaires réels pour certains salariés. Enfin, il n’y a pas besoin d’avoir un « avantage compétitif » absolu pour bénéficier du commerce international : la théorie des avantages comparatifs de Ricardo reste le principal outil d’analyse.
Nouvelles théories du commerce international : la spécialisation sectorielle des pays n’est pas forcément dûe aux avantages comparatifs. Même en l’absence de ces derniers, un pays peut évoluer vers une spécialisation auto-consolidante. Plus encore, les rendements croissants et la concurrence imparfaite semblent jouer un rôle important dans
Enfin, il critique les changements successifs de point de vue des politiques :
- dans les années 1920 : laissez-faire et monnaie saine [hum... : la Fed avait été créée en 1913]
- dans les années 1940, sous l’influence du socialisme : dirigisme économique et contrôle monétaire
- dans les années 1970, suite à l’échec des politiques précédentes : libéralisation du marché des biens (laissez-faire microéconomique), mais politique macroéconomique de régulation monétaire keynésienne
- dans les années 1980 : de nouveau laissez-faire et monnaie saine (la « doctrine de Washington » promue par le FMI et
- dans les années 1990 : les tensions sur le SME avec la réunification de l’Allemagne montre les limites de cette politique
Points discutables dans le livre de Krugman :
- la libéralisation des biens et services entamée dans les années 1980 est loin d’être complète et n’a donc pas pu porter tous ses fruits, loin s’en faut
- plus encore, la notion de « monnaie saine » est un terme trop vague qui passe à côté de certaines différences fondamentales entre les années 1900 et aujourd’hui
Avant la création de la Fed et en-dehors des certaines interventions de politique monétaire, la monnaie était saine parce que libre et entièrement régie par le marché. Ce n’est pas le cas de la monnaie moderne, en particulier dans le SME, puisque les taux de change y sont artificiellement figés, d’où la hausse des taux qui provoque une récession en France au début des années 1990. Ceci est le résultat d’une intervention politique dans le marché de la monnaie, et pas du fonctionnement de ce marché lui-même. De même, la crise en Argentine démarre lorsque ce pays maintient l’indexation du peso sur le dollar alors que le Brésil voisin dévalue, au lieu de laisser flotter son taux de change comme l’a toujours recommandé un certain M.Friedman. Cette intervention gouvernementale dans la monnaie argentine est tout sauf un mécanisme de marché. Il est donc difficile de critiquer le modèle « laissez-faire, monnaie saine » sur la base de ce système comme le fait Krugman, puique ce n’est pas un système « laissez-faire, monnaie saine »..