27 janvier 2009

Etat, qu'as-tu fait de notre monnaie?

Le célèbre petit livre de Rothbard sur la théorie et l'histoire monétaire est enfin disponible en ligne, en pdf et en français, suivi d'un épilogue de Guido Hülsmann.

Le livre est disponible aux éditions Charles Coquelin dans une précédente traduction. C'est une bonne idée de cadeau, en lien avec l'actualité !
Etat, qu'as-tu fait de notre monnaie?

24 janvier 2009

Points de passage sur la PI

Le principal défi pour défendre la PI est à mon avis de :

1) définir des droits matériels et immatériels qui ne se contredisent pas;

2) justifier cette définition;

J'ajoute une idée personnelle :

3) puisque défendre ses droits a un coût, il faut montrer que ce coût peut être supporté par le détenteur de ces droits (voir détails ci-dessous).

 

Pour 1), cela résulte de la notion même de droit. Les droits visent à éviter ou résoudre les conflits, or des droits contradictoires seraient source de conflit; ce ne serait donc pas des droits. Les conflits seraient résolus au cas par cas par les magistrats de manière discrétionnaire, sans que l'on puisse prévoir l'issue, faute de définitions, de règles ou de principes cohérents.

A l'inverse, on pourrait justifier la PI en disant que les droits sont une construction humaine, nécessairement imparfaite et donc contradictoire. Il est donc permis de définir des droits tout en sachant à l'avance qu'ils contrediront d'autres droits. Je ne connais aucune tentative de justifier la PI sur cette base.

 

Pour 2), les approches possibles se répartissent en deux catégories : a) utilitariste et b) éthique.

a) On peut attaquer la logique même de l'argument. Dans l'approche utilitariste, la fin justifie le moyen. Si la PI est le moyen d'atteindre une fin considérée comme souhaitable, elle est légitime. Le problème est qu'il peut y avoir plusieurs moyens pour atteindre une même fin. Rejeter l'un des moyens ne nous prive pas nécessairement de la fin recherchée, pour peu qu'elle puisse être obtenue autrement. Mêmesi la PI contribuait à la croissance, à la santé, au bien-être de l'humanité, ou à la préservation de l'environnement, et que ces fins soient justifiées, cela ne justifie pas pour autant la PI. Un tel raisonnement serait un faux syllogisme :

- si fin

- et (moyen implique fin)

-------------------------------

- alors moyen

Le Rapport Lévy-Jouyet est un exemple d'une telle justification utilitariste puisqu'il est sous-titré "La croissance de demain". Ou encore, les brevets sur les médicaments incitent les laboratoires à innover. C'est donc un moyen efficace d'améliorer la santé publique. Si l'on accepte cette thèse, pour justifier la PI, on est donc ramené à justifier la croissance ou la recherche d'un meilleure santé publique. Pour l'attaquer, on peut essayer de montrer que la PI ne contribue pas à l'objectif recherché, ou bien que ses inconvénients sont plus importants que ses avantages. C'est l'approche qui fut retenue par Fritz Machlup dans son étude An economic review of the patent system (1958).

b) L'approche libérale est généralement éthique. Les droits de PI sont rejetés parce qu'ils violent les droits de propriété. Ce point est souvent négligé, voire même occulté dans les discussions sur la PI. C'est pourtant leur essence même : un brevet permet à son auteur d'utiliser la force contre un tiers qui voudrait utiliser sa propriété d'une certaine manière. Les droits de propriété du tiers ne disparaissent pas complètement, mais ils sont diminués par l'existence du brevet. C'est typiquement l'approche défendue par Stefan Kinsella dans Against intellectual property (2001). Pour défendre la PI contre cette attaque, il suffit de montrer soit que les droits de propriété ne sont pas légitimes, ou sont moins légitimes que la propriété intellectuelle; soit contester l'idée que la PI viole les droits de propriété.

 

Pour 3), ma petite idée originale sur le sujet est d'appliquer le raisonnement de Ronald Coase à la propriété intellectuelle. Coase fait le raisonnement suivant :

- si l'on ne se préoccupe pas des droits légitimes et illégitimes a priori, mais uniquement de l'efficacité de la production économique,

- et si les coûts de transaction sont nuls,

- alors peu importe à qui est attribué un droit, puisqu'il sera facilement cédé à celui qui lui accorde le plus de valeur.

Le résultat économique sera donc le même indépendamment de l'attribution initiale des droits. Coase s'empresse d'ajouter que dans la réalité les coûts de transaction ne sont jamais nuls. Par conséquent, l'attribution des droits a des conséquences sur le résultat économique. Il conteste le second prémisse mais il accorde très peu d'attention au premier prémisse puisque, comme la plupart des chicagoans, il est purement utilitariste.

Si l'on adopte l'approche utilitariste de Coase, je suggère que la prise en compte du coût de défense des droits est un facteur important des coûts de transaction. Pour illustrer cette idée, comparons la situation d'un fermier propriétaire d'un champ, et d'un chanteur titulaire de droits d'auteur sur un fichier mp3. Dans les deux cas, leur propriété peut être violée par un intrus ou un pirate. Déclarer qu'ils ont des droits ne suffit pas à écarter cette menace. Il convient de prendre des mesures préventives, et de mettre en place des sanctions dissuasives.

Ainsi, le fermier plante une clôture autour de son champ, et fait savoir qu'il poursuivra avec l'aide du shériff tout intrus qui aura violé sa propriété. Il participe au financement de la justice comme tout citoyen, mais en pratique les intrusions sont plutôt rares et l'essentiel des coûts réside dans la construction de la clôture. En d'autres termes, c'est lui qui supporte le coût nécessaire pour défendre sa propriété.

Dans le cas du chanteur, au contraire, les DRM et autres technologies anti-pirates sont peu efficaces. Elles ont un coût élevé pour un bénéfice faible, et sans la menace de sanctions elles n'aurait pratiquement aucun effet sur le piratage. Une lutte efficace contre le piratage doit donc reposer sur l'effet dissuasif des sanctions plus que sur les mesures préventives. Il y a deux façons de rendre les sanctions dissuasives :

- des condamnations nombreuses, avec réparation proportionnelle du préjudice subi;

- des condamnations rares, mais avec des amendes élevées pour faire des exemples.

Des condamnations nombreuses coûteraient très cher à la justice, et le chanteur n'est pas prêt à en supporter le coût. Il est dans la situation du fermier qui voudrait défendre son terrain mais ne veut pas payer le salaire du shériff. Il ne reste donc à mon avis qu'une seule solution : condamner très lourdement quelques contrevenants pour "faire un exemple". Peut-être est-ce faisable, je ne me prononcerai pas...

 

Autre lecture recommandée : The economy of ideas (1994) de John Perry Barlow, chanteur desGrateful Dead