15 octobre 2008

Le "sur-investissement" chez Hayek

Source : Salon de lecture chez econoclaste
Suite à une discussion à côté, je vais essayer de formuler une présentation sommaire de ce que je comprends de la théorie à mon avis assez mal nommée du sur-investissement chez Hayek.
Je pense qu'il vaut mieux parler de "mal-investissement". C'est d'ailleurs le terme employé par Mises. D'où viennent ces erreurs d'investissement?

Une spécificité de l'approche autrichienne est de décomposer les agrégats macroéconomiques. La vision ultra-caricaturale de la macro avec K et L permet de mettre en évidence un surinvestissement, mais pour voir le mal-investissement, il faut distinguer différents marchés, c'est-à-dire décomposer le marché du travail et le marché des biens capitaux.

Cette décomposition s'appuie sur la structure de la production construite par Böhm-Bawerk (détours de production) et poursuivie par Hayek (triangle hayékien). L'exemple classique est que pour vendre une voiture il faut les étapes suivantes :
- exploitation minière
- fabrication d'acier
- conception de la voiture, R&D
- usinage et assemblage
- distribution

Si on simplifie, on peut voir ça comme une succession d'étapes 1>2>3>4>5. En réalité c'est plus compliqué puisqu'une étape peut alimenter plusieurs marchés. Knight faisait remarquer très justement que l'acier est utilisé pour l'extraction du charbon, et le charbon est utilisé pour produire l'acier. Mais la structure 1>2>3>4>5 suffit pour comprendre ce qu'est le malinvestissement.

Ces processus de production nécessitent
1) du capital
2) du temps
et leur efficacité économique dépend donc d'un "équilibre" intertemporel. Si on investit trop de ressource en amont dans la R&D, et qu'on invente des tas de modèles de voiture, il n'y a pas assez de ressources dans l'économie pour les produire toutes. Si l'on se lance dans des projets à trop long terme, cela ne correspond pas aux préférences temporelles des individus. L'expansion monétaire fausse cet agencement inextricable de relations.

Mises donne une image très parlante :

Imaginez que l'économie soit capable de produire, en l'état actuel de la technologie, 5 maisons par an. Mais sous l'effet d'une production monétaire incontrôlée, les gens ont l'impression que plus de capital est disponible dans l'économie. 7 ménages s'endettent au lieu de 5, et commencent à construire les fondations de leurs maisons. La demande de ciment, de bulldozers et de main d'oeuvre correspondante attire les ressources de l'économie vers le marché N°1. Lorsque le processus de production arrive à l'étape N°2, encore plus de ressources sont nécessaires pour bâtir les murs des 7 maisons, et cette demande accrue commence à faire monter les prix et engendre une pénurie de ressources pour les marchés suivants. Lorsque les ménages arrivent à un certain stade, les prix de la peinture, ou des tuiles, etc. ont atteint un niveau tel qu'ils ne peuvent pas compléter toutes les maisons. Ils ont buté sur la frontière de production de l'économie, qui n'était pas capable de produire 7 maisons mais 5. Il en résulte que seulement 3 maisons sont complétée, et 4 restent à moitié construites.

L'expansion monétaire a donc eu les effets suivants :
- déformer les prix sur les différents marchés
- attirer trop de ressources de l'économie (capital, main d'oeuvre) vers certains secteurs (bulle)
- lancer des projets qui ne sont pas cohérents avec la frontière de production de l'économie et les préférences temporelles des individus (il faudra plus qu'un an pour compléter les 4 maisons restantes)
- provoquer une réconciliation tardive et plus ou moins brutale des projets avec la réalité (bust...)

La meilleure présentation du sujet est celle de Roger Garrison dans "Time and money". Mais je recommande la démarche suivante : télécharger ses slides et les visionner tout en écoutant son commentaire audio qui est synchronisé.

Les slides sont ici :
[www.auburn.edu]

et l'audio ici :
[mises.org]

L'exemple des maisons est illustré ici :
[www.auburn.edu]

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