15 octobre 2008

Minsky "Stabilizing an unstable economy"

Source : Salon de lecture chez econoclaste
En mai dernier, Amazon a expédié mon exemplaire de ce livre. Il était épuisé, et a été réédité sans doute en raison du véritable engouement qu'il suscitait. La thèse de Minsky est en effet que les marchés financiers sont intrinsèquement instables, et engendrent des bulles spéculatives suivies de crises. Ces instants d'euphorie irrationnelle ont été baptisés "Minsky moment".

J'aimerais savoir ce qu'en pensent les connaisseurs, notamment en comparaison avec la théorie autrichienne du cycle économique.

J'ai trouvé deux références sur econoclaste :
- la note de lecture sur D'un krach à l'autre de O.Brossard
- les deux billets de Stéphane sur Les keynésiens : une grande famille...

Ce n'est pas moi qui parlerai le mieux de Minsky, mais voici ce que j'ai retenu :

1) La Financial Instability Hypothesis : les investisseurs peuvent être classés en hedge (pépère), speculative et ponzi (pyramide) selon qu'ils remboursent tous les mois : plus que, exactement, ou moins que le montant des intérêts resp. Pour ces derniers, la rentabilité de l'opération est suspendue à la plus-value qu'ils comptent bien réaliser. Mais, comme on le voit en ce moment...

2) Les institutions financières capitalistes encouragent les comportements spéculatifs en permettant l'émission de crédits, ce qui fait monter le prix des actifs, ce qui permet d'émettre de nouveaux crédits etc.

3) Ce mécanisme spéculaire ou réflexif (Orléan, Dupuy) est basé sur l'idée suivante :
- la demande de certains biens (le beurre) est basée exclusivement sur leur utilité à des fins de consommation
- pour d'autres (les actifs financiers, l'immobilier, la monnaie), la demande d'un individu est fonction de sa perception et/ou de son anticipation de la demande des autres personnes de la société, d'où la circularité évoquée en 2).

4) Etonnamment, Minsky est souvent critique à l'égard du Big Government qui effectue des transferts au sein de la population (redistribution). En revanche, il se félicite que Big Government vienne à la rescousse de l'économie en s'endettant pour éviter la déflation en période de dépression.

5) Pour éviter la formation de bulles et de "spirales inflationnistes", il préconise une politique fiscale dont j'ai oublié les détails, et une dose homéopathique de contrôle des prix.

J'ai bien apprécié le livre de Minsky, il décrit bien la psychologie moutonnière des spéculateurs, etc. Mais j'ai cependant de fortes réserves pour les raisons suivantes :

- Il associe capitalisme et banque à réserves fractionnaires. De là il conclut que les "institutions capitalistes" sont foncièrement instables. Ben oui, sauf que justement la banque à réserves fractionnaires, telle qu'elle existe aujourd'hui, est le fruit d'une longue histoire d'interventionnisme étatique et pas une "innovation" du marché. Minsky en rajoute une couche sur le thème "le crédit est le poumon de l'économie", je n'insiste pas... Bref pour lui la banque créatrice de monnaie est une institution typiquement capitaliste, et le ver est dans le fruit!

- Il fait souvent des raisonnements basés sur les taux d'intérêt, dans lesquels il est facile de se tromper (Tyler Cowen).

- Mais le plus grave est ceci: l'idée de spécularité, de réflexivité, est assez banale. Ce qu'elle dit c'est que pour nous former une opinion sur la valeur (subjective) d'un actif, nous avons besoin de spéculer sur l'opinion des autres. Quand on achète une maison ou une action, en effet, on se demande combien on pourra les revendre, alors que ce n'est pas le cas avec une motte de beurre. Le temps que toutes les opinions s'ajustent les une aux autres, les marchés d'actifs à long terme convergent donc moins bien que le marché du beurre, par exemple. C'est une bonne explication, et je veux bien croire que c'est un facteur d'instabilité. Même en période d'hyperinflation, il y a rarement une bulle spéculative sur le beurre ;-)

Mais le raisonnement est bien court, car :

1) Qu'est-ce qui nous dit que le marché ne converge pas? il peut très bien parvenir à "l'équilibre" plus lentement mais y parvenir quand même (cf. expériences de Vernon Smith)

2) Si des propriétaires d'actifs à long terme échangeant librement entre eux sont incapables de découvrir un prix stable, qui le peut? Minsky? le Ministère des Finances?

3) Pourquoi ne pas commencer par reconnaître que la nationalisation de la monnaie est un facteur déstabilisateur dans ce contexte, et qu'il faudrait commencer par là?

4) Il néglige totalement la partie la plus sophistiquée de la théorie hayékienne, à savoir le mal-investissement, en se limitant à la notion de sur-investissement. Dès lors, son analyse des conséquences sur "l'économie réelle" est très partielle.

5) Sa vision du public choice me semble assez naïve.

Pour aller plus loin, on peut écouter la 16ème conférence Hyman Minsky de Bard College, disponible ici : [www.levy.org]

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