Le père de l’hypothèse du primat de l’éducation parentale est Sigmund Freud, puisque sa théorie psychanalytique prétend que notre personnalité se construit par référence aux parents. Le complexe d’Œdipe (un fils éprouve du désir sexuel pour sa mère) et le surmoi (le même fils construisant une image idéale de ce qu’il souhaiterait être en prenant son père pour modèle) sont les exemples les plus connus.
Enfin, chacun de nous est un psychologue qui s’ignore, et nous avons pu constater des coïncidences troublantes telles que : les parents bien dans leur peau ont des enfants qui vont bien. Ceci nous conduit à penser qu’il y a un lien de cause à effet et qu’en se conduisant bien avec son enfant on améliore ses chances de bien se développer.
Mais nous avons également des expériences contradictoires : ces amis Anglais qui ne parlent que l’anglais à la maison et français avec un fort accent à l’extérieur, et dont les enfants parlent parfaitement français, sans accent, et sont nettement moins à l’aise dans la langue de leurs parents. D’où vient l’erreur ?
Les preuves à l’épreuve
De nombreuses études scientifiques ont été menées, qui ont « prouvé » l’hypothèse du primat de l’éducation parentale. Il est intéressant de s’arrêter un instant sur les méthodes utilisées dans ces études. Elles reposent sur la recherche de corrélations – terme statistique qui signifie que lorsque l’on mesure deux paramètres on peut déterminer si ils évoluent indépendamment l’un de l’autre, ou l’un avec l’autre. Avec toutes les difficultés que cela présente, la méthode consiste donc à mesurer le comportement et la personnalité des parents (bien dans leur peau, affecteux) sur une échelle de 1 à 10, à faire de même pour les enfants, et à voir si il y a un « lien ».
Toutes ces études montrent une corrélation assez importante. Et les psychologues de s’empresser de conclure « Vous voyez, un enfant qui a des parents qui ont eu le bon comportement a plus de chances d’être équilibré ; c’est dont qu’il doit être équilibré parce que ses parents l’ont bien éduqué ». C’est un très mauvais raisonnement.
1ère erreur
D’une part, la corrélation peut très bien être dûe aux gênes : un enfant ressemble à ses parents, dont un enfant pourrait être équilibré parce que ses parents ont cette personnalité et lui ont transmis les gênes correspondants. C’est possible, mais comment le savoir ? Il existe une manière : en étudiant des jumeaux. En comparant la personnalité de deux enfants élevés dans la même famille, on fixe plus ou moins le paramètre correspondant à l’environnement. En étudiant ce qu’il en est pour des vrais jumeaux, des faux jumeaux, des frères et sœurs, et des enfants sans lien de parenté, on fait varier l’autre paramètre qui est le degré de similitude génétique des deux enfants.
Les méthodes statistiques (corrélation et variance) permettent alors de déterminer quelle part des différences de personnalité est dûe aux gênes et quelle part est dûe à l’environnement. On estime que pour la plupart des traits de personnalité – aggressivité, timidité, méticulosité, religiosité, névrose, QI, etc. – l’inné et l’acquis expliquent chacun 40 à 50% des variations observées. Ce résultat s’est d’abord heurté à de fortes résistances de la part des comportementalistes et des psychanalystes, mais ils sont à présent bien établis et admis.
2ème erreur
3ème erreur
Pour mesurer la personnalité, la plupart des études consistent à demander aux parents comment l’enfant se comporte. On part du principe que l’enfant a une seule personnalité, qu’il emporte avec lui partout comme un sac à dos. Quelques études ont comparé les réponses données par les parents à celles données par les maîtresses. Elles sont très instructives : il y a de très gros écarts entre la personnalité au domicile et à l’école, comme si l’enfant avait deux personnalités !
4ème erreur
Les études en question partent souvent du principe qu’il n’y a pas de lien entre inné et acquis. Un enfant peut évoluer dans n’importe quel type d’environnement, indépendamment des gênes dont il a hérité. Mais comme nous l’avons déjà évoqué dans la 2ème erreur, les gênes de l’enfant peuvent influencer le comportement de son entourage. Aussi, l’environnement est en réalité une variable liée aux gênes, et non indépendante de ceux-ci. On appellera ce phénomène les effets indirects des gênes.
5ème erreur
Si un facteur A est corrélé à un facteur B, il se peut qu’il n’y ait aucun lien de causalité, ni de A vers B ni de B vers A, mais un facteur causal « caché » C qui explique simultanément A et B. Comme C est caché et que notre esprit a absolument besoin de voir une « raison » dans le fait que A et B sont liés, il est plus facile de penser que A implique B ou l’inverse.
Quelques exemples pour vous montrer où je veux en venir
Si le primat de l’éducation parentale était vrai, …
…deux vrais jumeaux élevés sous le même toit devraient avoir des personnalités très semblables, or la corrélation dans ce cas n’est que de 50% ;
…des enfants élevés sous le même toit devraient se ressembler plus que des enfants élevés dans des familles différentes, or il n’y a pas de corrélation autre que celle dûe aux gênes ;
…des enfants adoptifs élevés sous le même toit devraient présenter des similitudes de QI, or la corrélation est proche de zéro ;
etc.
Confrontés à ces « difficultés », les chercheurs ne se sont pas démontés et ont cherché des explications. La première qui vient à l’esprit est que les parents se comportent différemment avec chaque enfant. Les études ne mesurant que le comportement « en moyenne » des parents, il est normal qu’elles ne puissent établir un lien avec la personnalité des enfants. Pour cela il aurait fallu être capable de mesurer le comportement qu’ont les parents avec chaque enfant pris séparément. Plusieurs tentatives ont donc été faites pour sauver la théorie du primat de l’éducation parentale :
1ère tentative
Il fallait trouver une situation où l’on peut prévoir que les parents se comporteront différemment avec leurs enfants, indépendamment des facteurs héréditaires. Cette situation existe, et elle a été étudiée en profondeur : c’est l’ordre de naissance. Les aînés et les cadet n’ont en effet pas le même environnement : le premier jouit pendant un certain temps d’une situation d’enfant unique que l’autre ne connaît jamais, le dernier profite de l’expérience acquise par ses parents. De plus, les parents prodiguent plus d’affection au « petit dernier » qu’aux aînés de la fratrie, n’en déplaise à certains. Et pourtant, les études titanesques réalisées sur l’ordre de naissance ont totalement réfuté l’idée que l’ordre de naissance avait une influence sur la personnalité.
Autres tentatives
Si les parents ont une influence sur les enfants, l’absence d’un parent ou des parents « différents » doit en avoir aussi, et ceci pour tous les membres de
Bref, on n’a jamais pu démontrer que l’éducation parentale a le moindre effet, malgré les efforts héroïques qui ont été entrepris à cette fin !
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